L’ère des disruptions…
L’aube de cette nouvelle ère est désormais derrière nous, et nous sommes en plein cœur de l’ère des disruptions.
Mais avant d’aller plus loin… un petit retour sur les grandes « inflexions » de l’humanité s’impose…
Première grande « inflexion »
L’invention de l’écriture en Mésopotamie, au milieu du IVe millénaire av. J.-C., permet de comptabiliser des têtes de bétail et des sacs de grains. Un accroissement de la production agricole et le développement des échanges commerciaux résulteront de cette invention.
Une organisation sociale hiérarchisée se met en place, et l’homme passe d’une société agricole à une société urbaine.
Deuxième grande « inflexion »
L’invention des caractères mobiles en plomb et de la presse à imprimer par l’Allemand Johannes Gutenberg au XVe siècle donna l’imprimerie à l’homme. Johannes Gutenberg adapta là une invention chinoise pour atteindre son but.
Le savoir n’est plus réservé aux monastères avec des livres produits par des moines copistes. Le partage des idées à la Renaissance, puis de la connaissance avec les Lumières au XVIIIe siècle, pourra se développer grâce à la diffusion de l’information née de l’imprimerie.
Troisième grande « inflexion »
L’invention du processeur, qui découle de la découverte de l’effet photovoltaïque par Antoine Becquerel puis de l’effet transistor par les laboratoires Bell, donna l’ordinateur à l’homme.
A partir de la deuxième moitié du XXe siècle, la capacité de calculer très rapidement puis de manipuler les informations sous formes de nombres, grâce aux ordinateurs, permettra la numérisation de tout type d’informations comme le son, l’image, ou la vidéo.
Numérique : « révolution » et/ou « ère »
Le dictionnaire donne comme définition au mot « révolution » : « Changement brusque, d’ordre économique, moral, culturel, qui se produit dans une société », et comme définition au mot « ère » : « Époque remarquable où un nouvel ordre de choses s’établit ».
On peut donc bien dire que nous vivons déjà, depuis un certain nombre d’années une révolution : la révolution numérique. Mais une révolution a un caractère transitoire, du fait de la notion de « changement brusque », entre deux périodes plus longues. Nous pouvons alors aussi affirmer maintenant que la phase « révolution » est finie, et que nous sommes entrés dans une ère nouvelle : l’ère numérique.
Cette ère numérique ne succède pas à l’ère industrielle. Celles-ci sont positionnées sur deux échelles de temps différentes, de même qu’il existe des échelles de temps pour les ères géologiques, climatiques, religieuses…
L’ère industrielle se trouve sur une échelle de temps dont les grandes inventions « complètent » ou « augmentent » les capacités de l’homme sur le plan physique avec des inventions telles que la pierre taillée, le feu, la roue, la machine à vapeur, l’avion… Et l’ère numérique, elle, se situe sur une échelle de temps dont les grandes inventions « complètent » ou « augmentent » les capacités de l’homme sur le plan cérébral.
Ces deux grands types d’inventions ont des chronologies qui s’interpénètrent continuellement depuis toujours. Par exemple, c’est parce que l’homme a pu subvenir à des besoins primaires pour se protéger, se chauffer, et se nourrir, avec des découvertes et inventions comme la pierre taillée et le feu, qu’il a pu ensuite se donner le temps nécessaire pour dessiner des peintures rupestres, des signes, puis maîtriser les compétences qui lui permettront de découvrir l’écriture. Mais la réciproque est également vraie. Les grandes inventions, qui « augmentent » l’homme sur le plan cérébral comme l’écriture ou l’imprimerie, permettront à chaque génération de transmettre plus facilement une somme importante de savoirs à la génération suivante. L’humanité progressera alors plus rapidement sur le plan des connaissances, ce qui donnera à l’homme de nouvelles extensions de lui-même sur le plan physique avec par exemple le métier à tisser, le moteur électrique, ou la moissonneuse.
Aujourd’hui avec le numérique, le rythme de découvertes des inventions qui « augmentent » l’homme sur le plan physique ou cérébral s’accélère. L’ordinateur, qui s’installera progressivement dans tous les domaines d’activités, donnera à l’homme une capacité de calcul, de simulation, et de recherche gigantesque, qui s’amplifiera encore avec l’arrivée du réseau Internet. Gordon Moore, un des trois fondateurs d’Intel, formulera sur ce sujet une conjecture que l’on nomme « la loi de Moore ». Selon cette loi, la puissance de calcul des ordinateurs doublera tous les dix-huit mois.
L’ère numérique
Tous les hommes, tous les domaines, et tous les lieux sont déjà pratiquement touchés, modifiés, ou transformés par le numérique. C’est un nouveau paradigme pour l’humanité qui s’accompagne de nombreuses disruptions sur les plans technologiques, économiques, culturels, sociétales, mais aussi dans le fonctionnement même de nos démocraties.
Nous sommes au cœur de la phase critique de « destruction créatrice » de Joseph Schumpeter. De nombreux secteurs de l’économie vivent actuellement un véritable traumatisme avec des destructions massives d’emplois et d’entreprises. La vague créatrice de Schumpeter, que nous vivons, remet en cause les métiers, les méthodes, les organisations, le statut des travailleurs, et la notion même de travail. Schumpeter disait « Entreprendre consiste à changer un ordre existant », pas de problème… nous avons bien compris le message… nous le vivons en direct.
Toutefois, certains domaines d’activités ne sont encore que faiblement touchés. Le message de Schumpeter n’est que théorique, et ils peuvent donc préparer leurs stratégies pour aborder les grandes transformations qu’ils vont devoir faire de manière sereine, sans la pression écrasante d’un disrupteur déjà présent sur le marché. Voici deux exemples de secteurs économiques qui doivent impérativement et rapidement lancer leurs transformations. Celles- ci devront être profondes et pas juste ponctuées de petites retouches cosmétiques.
Secteur économique de l’éducation et de la formation
En France, notre système éducatif public ou privé fonctionne souvent sur le principe suivant : « Si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide ».
Depuis le début du classement PISA des pays de l’OCDE, de nombreux états ont procédé à des réformes radicales et ont progressé. La France, elle, reste dans le groupe dont le bulletin pourrait être le suivant : « Peut mieux faire. Résultats insuffisants. Difficultés de compréhension des problèmes posés. Manque d’organisation. Manque de méthodologie ».
Notre système éducatif fonctionne comme il y a un siècle, et nous nous en satisfaisons. La finalité du système est la sélection d’une petite élite. Nous ne savons pas préparer nos enfants au monde d’aujourd’hui, et encore moins à celui de demain. Notre enseignement se limite principalement à la transmission des connaissances, alors que dans ce monde mouvant, les connaissances deviennent très vite obsolètes. Nos priorités devraient être par exemple de préparer nos enfants à apprendre à apprendre, et à travailler de manière collaborative.
L’adoption massive des outils numériques permettrait un accompagnement différencié de chaque apprenant. Quand on mélange le numérique, la pédagogie, et les sciences cognitives, cela donne une nouvelle méthodologie d’enseignement que l’on nomme « Adaptive Learning ». L’apprenant est au centre de ce système, et c’est le système qui s’adapte à chacun et non l’inverse. Les solutions de formations en « Adaptive Learning » fonctionnent aussi bien avec des enfants, des adolescents, que des adultes. Cette méthodologie permet un enseignement personnalisé pour chaque élève avec un contenu de formation qui s’adapte en temps réel. Un apprenant pourra voir son parcours pédagogique se modifier, et le système lui proposera de nouveaux exercices sous de nouvelles formes sur les contenus qui lui poseront des problèmes. Ce type d’enseignement rend les apprenants plus autonomes. Les formateurs ont ainsi plus de temps pour venir aider les apprenants en difficulté que la solution en « Adaptive Learning » aura signalés.
Secteur économique de la santé
Nous sommes là en présence d’un domaine dont la disruption sera rapide et très violente. Parmi les technologies qui vont être au cœur de cette transformation, nous trouvons les « Big Data » et le « Machine Learning » entre autres.
Petit rappel… La disruption d’un secteur économique ou d’une profession est d’autant plus facile que : l’insatisfaction est grande, la numérisation est possible, et l’intermédiation est évidente. Là avec la santé, nous avons les trois éléments de réunis. Et fait aggravant, nous avons les Etats-Unis qui ont un peu les mêmes problématiques de coûts très importants de santé et de vieillissement de la population que nous, et cela malgré un fonctionnement des institutions de santé très différent. Les entreprises de la Silicon Valley, spécialistes incontestées de la disruption, sont donc en train de s’engouffrer sur ce marché prometteur en termes de développement, et d’économies d’échelle.
Dans le domaine de la santé, nous avons une grande « insatisfaction ». Inutile de préciser de quel type d’insatisfaction il s’agit, car presque tout le monde est mécontent des services de santé.
Nous avons tout d’abord le « patient client » qui porte bien son nom de « patient », en attendant longuement à tous les carrefours de son parcours de soins, tout en acceptant les risques des erreurs médicales et des infections nosocomiales. Nous avons aussi les personnels soignants qui sont malmenés dans la manière dont ils doivent exercer leur métier… depuis bien trop longtemps. Nous avons également les organismes étatiques chargés de faire diminuer sans grand résultat le déficit budgétaire de la Sécurité Sociale. Et pour finir, nous avons le contribuable qui « rebouche » tous les ans, le fameux trou…
La santé est donc un domaine économique parfait pour être disrupté, mais pas vraiment au courant de la problématique, puisque la majorité des acteurs ne semble pas se préparer du tout.
Les technologies numériques, avec le « Big Data » et le « Machine Learning », permettront par exemple d’étudier minutieusement les informations de l’ADN du génome humain de tous les individus entrant dans le parcours de soins. Le séquençage ouvrira la possibilité d’adapter les traitements à chacun. L’analyse massive et collaborative de ces informations au niveau mondial donnera des opportunités de découvertes immenses. L’efficacité du système de soins s’en trouvera plus performante, et la satisfaction de tous grandement améliorée.
Le changement dans la sérénité
Les hommes ne doivent pas essayer de ramer à contre-courant pour tenter de conserver l’existant, et pour résister au changement. Ils doivent au contraire profiter de la force de la vague pour surfer dessus. Ils pourront ainsi bénéficier de celle-ci pour découvrir de nouveaux domaines de progression sociétale, de nouvelles sources d’épanouissement culturel, ou de nouvelles solutions d’amélioration environnementale, et finir par trouver le bonheur dans cette ère nouvelle. Un très bon ouvrage sur ce thème : « Surfer la vie » de Joël de Rosnay.
Et il ne faut pas que le changement soit accepté par tous… il faut que le changement soit voulu et attendu par tous. Nous devons tous collectivement être moteur, et nous devons tous œuvrer pour construire un avenir désirable.
Notre monde n’est pas en crise, mais en pleine évolution, en pleine renaissance. En se tournant vers l’avenir, en ouvrant à nouveau le champ des possibles, les hommes par l’innovation pourront se permettre d’être optimistes sur bien des situations qui aujourd’hui ne sont plus acceptables.
Lionel Paillard
Entrepreneur, Formateur & Explorateur de l’ère des disruptions